Aujourd’hui, qui ne le remarque ? La situation d’Haïti est dramatique. Jamais le pays n’a été dans un tel abîme chaotique jonché de gangs, de corruption, de faim, d’insécurité généralisée… Pour l’extirper, nous, ses citoyens, avons tous déjà au moins tenté de penser une ouverture. Ainsi peut-on constater que l’on débat déjà sur qui va porter le flambeau pour descendre dans le gouffre et sortir notre chère Haïti. Certains disent qu’il est à nous citoyens du pays de se donner cet engagement ; certains d’autres réclament carrément une intervention militaire étrangère : onusienne, américaine ou même russe.
Nous nous ne permettons de juger aucune de ces positions. Les deux peuvent être défendues. Cependant, lorsque l’on a les yeux ouverts sur son histoire, on a deux rétroviseurs sur son avenir. Il y a un proverbe : « À parti pris déjà point de conseils ». En revanche, ceux de Solon Menos, certainement, nous les prendrons tous au sérieux.
Solon Menos était Ministre (ambassadeur) d’Haïti à Washington. L’occupation américaine d’Haïti était en cours. La grande majorité des intellectuels et des politiciens haïtiens ne faisaient plus résistance. Mais des exceptions, il y avait Raymond Cabèche, ce brave député qui par la suite a préféré la démission au lieu de participé à la séance pour voter la Convention qui allait mettre Haïti sous la pleine tutelle des USA. D’ailleurs Cabèche a vécu et étudié aux Etats-Unis, il a donc écrit à Menos le 17, août 1915, lui demandant de faire appel a la générosité politique américaine pour éviter cette honte qu’ils étaient en train d’infliger au peuple haïtien. Et le 21 septembre 1915, Menos lui a répondu :
« Mon cher concitoyen,
Il ne m’a été possible, en raison de mes occupations si absorbantes, de répondre, la semaine dernière, à votre intéressante et généreuse lettre du 17 août.
Et d’ailleurs, les idées et suggestions que vous y avez exprimées, méritaient réflexion, et il y avait lieu de chercher à découvrir, si elles étaient compatibles avec les réalités, c’est-à-dire avec le développement de l’action même qui a si justement alarmé votre patriotisme. Je ne doute pas que, depuis lors, vous ne vous voyez convaincu que les États ne font plus rien pour rien, et que la défense désintéressée d’un petit peuple faible, n’est pas leur fait.
N’attendons donc du secours que de nous-mêmes, et ne comptons pas sur autrui pour conjurer le sort.
Veuillez agréer, cher concitoyen, les assurances de ma haute considération ».
Solon Menos était dans le domaine des relations des États. D’ailleurs à ce moment il était le principal représentant d’Haïti à Washington. Donc il avait l’idée claire sur le comportement politique des États dans les relations qu’ils entretenaient. Aujourd’hui, ce n’est point du rationalisme ni du pragmatisme de penser que l’on peut sortir de cette situation que grâce à une intervention direct d’un État étranger. D’ailleurs, l’histoire nous offre-t-elle un cas pareil comme exemple ? Sans doute pas dans ce Nouveau Monde.
Tôt ou tard, nous haïtiens, devons prendre notre destin en main. Au risque des sacrifices des vies et du sang. Mais au moins, pour créer un pays où seule la nature aura droit sur la vie des citoyens et leur sève.