| Histoire

« Prenez votre or et bijoux, partez ! » : dernier ultimatum des n*gres aux colons de Saint-Domingue

On connait les faits : à la suite de la cérémonie du Bois-Caïman, les nègres de Saint-Domingue ont lancé l’assaut contre les colons et tout ce qui les représentait. C’était le début d’une extermination dont on connaît la légitime cause. Il faut savoir que face à la suite de ces évènements, les colons avaient le choix. Car au départ, il n’y avait qu’une chose hors de négociation pour les noirs révoltés : la liberté. Donc, si cette précieuse chose était accordée aux prémisses des évènements, l’histoire aurait certainement un cours différent.

Dans une lettre adressée à De Blanchelande, général en chef de l’armée royale de la colonie, les chefs de la révolution tels que Jean-François, Georges Biassou et autres, ont fait montre de leurs velléités à discuter sans passer par des fleuves de sang. Lisons :

Monsieur,

            Nous n’avons jamais prétendu de nous écarter du devoir et du respect que nous devons au représentant de la personne du Roi, ni même à tout ce qui dépend de sa Majesté ; nous en avons des preuves par-devers nous. Mais vous, mon général, homme juste, descendez vers nous : voyez cette terre que nous avons arrosée de notre sueur, que dis-je ? de notre sang ; ces édifices que nous avons élevés, et ce dans l’espoir d’une juste récompense : l’avons-nous obtenue, mon général ?

Le Roi, l’univers a gémi sur notre sort et ont brisé les chaines que nous portions ; et nous, humbles victimes, nous étions prêts à tout, ne voulant point abandonner nos maîtres. Que dis-je ? je me trompe : ceux qui auraient dû nous servir de pères, après Dieu, c’étaient des tyrans, des monstres, des monstres, indignes fruit de nos travaux. Et vous voulez, brave général, que nous ressemblions à des brebis, que nous allions nous jeter entre la gueule du loup. Non, il est trop tard. Dieu qui combat pour l’innocent est notre guide ; il ne nous abandonnera jamais ; ainsi voilà notre devise : vaincre ou mourir.

Pour vous prouver, respectable général, que nous ne sommes pas aussi cruels que vous pouvez le croire, nous désirons, du meilleur de notre âme, faire la paix, mais aux clauses et conditions que tous les blancs, soit de la Plaine ou des Mornes, se retireront par-devers vous pour se retirer dans leurs foyers, et par conséquent abandonner le Cap sans en excepter un seul. Qu’ils emportent leur or et bijoux, nous ne courons qu’après cette chère liberté, objet si précieux.

Voilà, mon général, notre profession de foi que nous soutiendrons jusqu’à la dernière goutte de notre sang. Il ne nous manque point de poudre et canon ; ainsi la mort ou la liberté. Dieu veuille nous la faire obtenir sans effusion de sang, alors tous nos travaux seront accomplis ! Et croyez qu’il en coûte beaucoup à nos cœurs pour avoir pris cette voie.

Mais hélas ! je finis en vous assurant que tout le contenu de la présente est aussi sincère que si nous étions par-devant vous. Ce respect que nous vous portons, et que nous jurons de maintenir, n’allez pas vous tromper, croire que c’est faiblesse, en ce que nous n’aurons jamais d’autre devise : vaincre ou mourir pour la liberté.

Nous sommes, avec respect, M. et général,

Vos humbles et obéissants serviteurs,

Tous les généraux et chefs qui composent notre armée.

P.S. : Permettez ; si vous daignez nous répondre, vous pouvez envoyer une personne en parlementaire ; nous le recevrons avec plaisir, pourvu qu’il soit muni d’un pavillon blanc, et qu’il soit seul et sans armes. Nous vous jurons, sur tout ce qu’il y a de plus sacré, que nous respecterons ce parlementaire, comme nous exigerions qu’il en soit fait à nous. Nous vous prions que ce soit un blanc de préférence à un nègre, et nous vous jurons qu’il sera respecté.

L’affaire : les blancs quittent la colonie en vie et avec leur richesses transportables ; les noirs y restent, libres, et avec ce qui restent. Mais hélas ! Les blancs, tout ce qu’ils avaient, tout ce qu’ils étaient, ne tenait qu’à une chose : la servitude des noirs. Les noirs avaient toutes les raisons de vouloir faire couler le sang. Pourtant, ils voulaient l’éviter. Les batailles de la Ravine à Couleuvres, de Vertières , de la Crête-à-Pierrot et tant d’autres qui ont donné lieu à des fleuves de sang, les colons les ont bien cherchées, et les ont bien eues.

Cf. : Adrien, A. Danroc, G. Laurent, G. M. Évangélisation d’Haïti 1492-1992 : Révolution de 1791, vol. 2.

 

 

Comments are closed.