Dans toutes les langues du monde, les organes génitaux forcent toujours la créativité pour les nommer. Pour chaque contexte, évidemment, il faut un élément lexical qui convient. En créole haïtien, ce n’est pas l’exception. À lui seul, l’organe génital pourrait suffire pour un petit lexique. De tous ces éléments ayant de référent la partie génitale masculine, on a « zozo ». Le plus célèbre, plus choquant, le plus apte à briser l’innocence. Associé souvent à un comportement langagier vulgaire, d’où vient ce mot ?
On peut le constater. Ce mot est cher aux traditions vaudous, notamment aux pratiques gede. En effet, ce n’est point une coïncidence, ni d’une volonté de sombrer dans la vulgarité comme beaucoup à l’antipode le prétendent, surtout avec les danses qui simulent quelques fois le coït. Le mot vient de la noble volonté de rendre hommage à nos ancêtres du Bas-Niger. Claude Dauphin, dans son ouvrage « Histoire du style musical d’Haïti » (2014), en donne des détails : « Ce mot créole, désignation vulgaire de l’organe génital masculin, provient du terme africain Ozo dont le créole haïtien a gardé la mémoire. Les Ozo, dont la prononciation a été corrompue par la liaison de l’article français, forment une confrérie masculine chez les Ibo du Bas-Niger, dont le suprême hommage consiste à les représenter nus, assis en majesté sur un trône, avec une érection bien en évidence ».
Est-ce que les adeptes du gede ont conscience de la noblesse de leurs pratiques langagières et dansante mettant en évidence l’organe et terme zozo ? Claude Dauphin n’en est pas sûr : « Il appert que dans leur délire scatologique et iconoclaste, les sectateurs du Gede n’ont point conscience de la noble ascendance de leur rituel. Tel est, hélas! le drame de ces cultures déracinées, avilies par l’esclavage, dont les héritiers s’évertuent désespérément à redonner un sens approximatif aux fragments qui leur restent ».
Il est fort sidérant de constater zozo passer de noblesse ancestrale à vulgarité langagière. Si l’on veut être un peuple digne, il faut être soi-même, nous dirait Jean Price Mars. Et pour être soi-même, on a tellement de choses récupérer, tellement à rejeter.
cf. Claude Dauphin, Histoire du style musical d’Haïti, 2014