À la trace de l’héritage des Taïnos dans l’aire musicale contemporaine d’Haïti

Charles Ramuz a dit que l’art, c’est un état d’âme. Les espagnols ont dit que les indiens d’Ayiti était des barbares. Gustave Faubert trouve que le but de l’art, c’est le beau. Évidemment, le beau est relatif, mais il y a quand même la place de se poser cette question : « il y a-t-il moyen que le beau et le barbare font bon ménage ? ».

En tout cas, les indiens de Bohio excellaient en musique. A telle enseigne, ils en ont gagnés la réputation au-delà de leurs rives. En effet, le journal de Christophe Colon rapporte : « […] arriva un canot plein d’anciens habitants d’autres îles qui venaient troquer des feuilles d’or contre des sonnettes ». Et ceci, malgré leur extinction brutale et barbare, quelques parcelles de leur culture musicale ont subsisté. La maux européens, la fièvre du temps, rien n’a pu les exterminer. Pour notre grand bien d’ailleurs, puisqu’aujourd’hui, nous en avons quelques-unes qui pavanent encore dans les parages de l’aire musicale contemporaine haïtienne. D’éléments terminologiques à instruments.

Le Samba

Le mot samba est très noble en Haïti. Celui qui le porte l’est dans son style vestimentaire haïtien-africain, son style de vie proche de la nature, ses cheveux longs style des fois dreads et son intime rapport avec le vodou et ses musiques comme la musique rasin. Ayant connu une vague dans les années 1980 avec l’avènement de la musique rasin contemporaine ‒ on connaît Samba Zao, Samba Kessy, et autres ‒, généralement, on donne au terme « samba » une origine brésilienne.

Pourtant, depuis le temps des Taïnos, ce terme s’est implanté en Haïti. En effet, Ramon Pané et Bartolomeo de Las Casas nous rapportent que les Taïnos chantaient sur des paroles formulées par leurs bardes et chanteurs. Ces chanteurs, disent-ils, on les appelait des « sambas », très souvent, qui étaient les caciques. Celle par exemple qui serait sans doute la déesse de la beauté parmi les zémès si leur destin pouvait conquérir beaucoup plus d’espaces chronologiques, la Reine Anacaona, était poétesse et musicienne, chanteuse et danseuse à la fois, était une admirable samba.

Le lambi

Le lambi est un gros coquillage concave et spiralé joué à la manière d’un cornet, conque naturelle d’un fruit de mer auquel en Haïti on attribue des vertus aphrodisiaque. De nos jours en Haïti, le lambi est un outil de communication encore à la mode chez les paysans. Tantôt pour annoncer des rassemblements d’ordre populaire, tantôt pour jouer de la musique dans les combites pour motiver les travailleurs.

L’origine de cet instrument et moyen de communication paysan remonte aux temps des indiens d’Ayiti. Pour chanter en l’honneur de leurs héros et leurs caciques, pour célébrer les récoltes, pour produire des rites d’adoration aux Zémès, pour émettre des hymnes de reconnaissance entre clans et tribus et même des musiques d’alerte en cas de danger, les Taïnos faisaient usage de lambi. Sans compter dans les areytos, fêtes de village au menu de musique, danses et pantomimes.

Le tanboumarengwen

Le tanboumarengwen, de toute évidence, semble être un héritage des Taïnos. Eduardo Sanchez de Fuentes, ethnologue cubain, considère comme indocubain « un instrument rare destiné à marquer le tempo de la musique lors des fêtes en plein air. Une sorte de cruche d’argile enfoncée dans le sol jusqu’au goulot, couverte d’une peau, en guise de tambour. De cette cruche sort une longue liane qui s’étire et se fige dans un arbre proche ». Une description que s’approprie le tanboumarengwen haïtien. Il se trouve que cet instrument, Fuentes en prend connaissance après avoir lu de « Cuba primitiva » d’Antonio Bachiler y Morales. Or ce texte, il est inspiré par l’ouvrage «Fantasticos anales de Haïti» du naturaliste et archéologue américain Constantine Samuel Rafinesque.

Somme toute, le bilan pourrait être beaucoup plus considérable. Mais avec l’arrivée des africains, ils ont acquis le terrain de leurs cultures musicales. Quand même aujourd’hui, lorsqu’il s’agit de cultures musicales du terroir, aux côtés des héritages africains, ceux des Indiens ne sont pas non plus à ignorer.

 

Cf. : Claude Dauphin, Histoire du style musical d’Haïti, 2014

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